20.5.07
les Hors-la-Loi
La vraie vie est souvent plus extraordinaire, plus complexe, plus douloureuse que le meilleur des spectacles. Jamais je n'aurais imaginé qu'en emmenant Nicole & Mado voir Les Hors-la-Loi.
Dans le taxi qui nous emmène dans le quartier de Jean-Pierre, le tutoiement s'installe très rapidement, il en a gros sur la patate, il me parle de sa colère qu'il s'efforce de maîtriser, de l'enfer qu'il a vécu ces dernières années, du scénario qu'il vient d'écrire. au Théâtre du Gymnase, je terminerais ma soirée sans elles (alors que nous célébrions l'anniversaire de Nicole), à boire un verre avec Jean-Pierre que je ne connaissais pas une heure plus tôt.
Peu avant 19heures, Nicole, Mado et moi buvons nos coupes de champagne au café Delaville (la coupe coûte la modique somme de 11€ (72 francs la coupe, en francs, ça fait plus d'effet, non? Putain! (le lieu n'a pas oublié ses origines - c'était autrefois un lupanar, un bordel, quoi. Pendant que Mado et Nicole filent au petit coin, je fais semblant de régler la note avec le porte-monnaie de Mado qui a insisté pour nous inviter (déjà qu'elle se casse la nénette à dépenser le moins possible avec sa très modeste retraite...)
Peu avant 19 heures, Jean-Pierre est seul dans les allées qui conduisent à l'orchestre. Il est en fauteuil roulant. On le toise, on l'ignore, on le bouscule. Il encaisse. L'employé l'installe gauchement, avec brusquerie, dans le fauteuil nous faisant face.
Fin du spectacle, ovation, rappels, bravos. J'ai été touché en plein coeur.
L'employé vient chercher Jean-Pierre. Maladresse et brutalité.
Visiblement, il a autre chose à faire. Jean-Pierre a peur de tomber et le fait savoir.
- Mais non, mais non, n'ayez pas peur.
Mais si justement, Jean-Pierre a peur. L'employé tire comme un forcené sur le fauteuil roulant de Jean-Pierre.
- Faites attention. Vous allez me faire tomber.
Je vous passe les détails... vous aurez compris que nous nageons en plein dans le sujet des Hors-la-loi. Nous nous retrouvons au bar du théâtre. Un accessoire de sécurité du fauteuil roulant est bel et bien cassé. Un "responsable" arrive.
- Puis-je vous demander à qui nous avons l'honneur?
- Je suis un des directeurs, me répond-il simplement.
Il se répand en excuses (sincères), part faire taper une déclaration. Jean-Pierre devra envoyer un devis. Le théâtre remboursera. N'empêche que Jean-Pierre devra se dépétrer avec son fauteuil abîmé le temps de la réparation.
Je lui propose de le raccompagner en taxi.
Et nous voilà à boire le verre de l'amitié rue du Cherche-Midi.
Jean-Pierre me raconte son parcours du combattant quotidien. Surtout quand il croise "ces cons". J'énonce une platitude qui ne le réconforte guère. "Il y a des cons partout..." même parmi les hommes et les femmes bouleversés par un spectacle qui chante haut et fort le handicap.
Jean-Pierre me demande:
- Tu crois que j'aurais dû m'excuser auprès de l'employé maladroit? (qui, soit dit en passant ne s'est même pas excusé... il avait autre chose à faire, j'vous dis!)
Perplexe, je réfléchis. Jean-Pierre m'interroge de nouveau:
- Tu crois que j'aurais dû m'excuser de lui avoir gueulé dessus?
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2 commentaires:
Salut Laurent ...
Joli article sur ce blog.
J'ai vu "les hors la loi" à Marigny, j'avais été conquis, touché, bouleversé.
Je les ai revus au théatre Sylvia Monfort en Novembre et y avais emmené quelques amis ... touchés eux aussi en plein coeur.
Travaillant dans le handicap, comme tu le sais, j'avais peur du "patos" dans lequel on aurait pu tomber ... Ce spectacle relatant une certaine vérité est loin de tout cela, il est plus que positif, une vraie leçon de vie ...
On ne peut que leur souhaiter une longue vie !
François
Je connais le handicap dans la réalité pour m'être être occupé directement (pour quelqu'un de très proche), et indirectement (pour une autre personne très proche). Si je ne peux, de ce fait, me résoudre à aller voir des spectacles (ou lire des livres) qui en parlent, j'ai su y faire face dans le quotidien. Je trouve ton attitude très humaine : le handicapé est un homme comme les autres.
Miklos
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